La vente avec clause de tontine : un mécanisme particulier à comprendre
- Coralie Daven

- 14 oct.
- 3 min de lecture

La vente d'un bien immobilier avec une clause de tontine constitue une pratique spécifique qui mérite une attention particulière, tant sur le plan civil que fiscal. Cette clause permet de désigner un ou plusieurs coacquéreurs, mais avec une condition de survie : c’est le survivant qui devient propriétaire exclusif du bien acquis.
Ce mécanisme juridique a pour effet de simplifier la gestion de l’immobilier en cas de décès, mais comporte également des particularités qu'il est essentiel de comprendre avant de s'engager dans une telle transaction.
Qu'est-ce qu'une clause de tontine ?
La clause de tontine est un pacte par lequel deux ou plusieurs personnes achètent un bien immobilier ensemble, avec une condition suspensive liée à la survie de l'un des coacquéreurs.
Autrement dit, chaque coacquéreur ne devient propriétaire exclusif qu'en cas de prédécès de l'autre.
Le principe repose sur l'idée qu'une fois le décès d'un des coacquéreurs survenu, ce dernier n'a pas de droits sur le bien, et le survivant devient l’unique propriétaire du bien depuis le jour de l’acquisition.
C’est un mécanisme juridique qui repose sur une condition suspensive (la survie du coacquéreur) et une condition résolutoire (le prédécès de l'autre).
Les conditions de validité de la clause de tontine
Bien que la clause de tontine ait été validée par la jurisprudence (Cass. ch. mixte, 27 nov. 1970), elle ne doit pas contrevenir à la prohibition des pactes sur les successions futures. En d’autres termes, la propriété d’un bien en tontine ne fait pas partie de la succession du prédécédant, ce qui le rend légitime et exempt de toute invalidité.
Cependant, cette clause ne peut être insérée dans un acte de vente postérieure à l’acquisition de l’immeuble.
Elle doit être stipulée dès l’achat du bien. Il est à noter que l’article 1981 du Code civil définit la tontine comme une clause par laquelle le survivant des coacquéreurs devient le seul propriétaire du bien acquis en commun.
Les effets de la tontine
Avant le décès de l’un des coacquéreurs : Pendant toute la durée du contrat, les coacquéreurs ont des droits et devoirs égaux sur le bien acquis. Il n'existe pas d’indivision au sens juridique traditionnel, car le bien est considéré comme appartenant déjà au survivant, sous condition de sa survie.
Cela a des conséquences importantes, notamment sur la gestion du bien et le droit de jouissance.
Si un des coacquéreurs bénéficie de la jouissance exclusive du bien, il devra une indemnité d’occupation à l’autre coacquéreur, sauf dans des cas particuliers, comme l'impossibilité pour un coacquéreur d'occuper le bien en raison de son état de santé.
Après le décès du premier coacquéreur : Au décès de l’un des coacquéreurs, le survivant devient l’unique propriétaire du bien, et ce, rétroactivement à la date de l’acquisition.
Il est donc propriétaire de l’intégralité du bien, sans avoir à procéder à un partage avec les héritiers du défunt.
Les enjeux fiscaux
Sur le plan fiscal, la tontine peut être avantageuse dans certains cas. En cas de prédécès, la transmission des parts du coacquéreur défunt est considérée comme une transmission à titre gratuit, ce qui entraîne des droits de mutation.
Toutefois, pour les conjoints mariés ou les partenaires pacsés, des exonérations peuvent s'appliquer, ce qui rend la tontine particulièrement avantageuse pour les couples.
Cependant, il est important de noter que l’option de la tontine peut également présenter des contraintes fiscales, notamment si le bien en question a une valeur supérieure à 76 000 € et ne constitue pas l’habitation principale.
Dans ces cas, des droits de mutation peuvent être dus, en fonction du lien de parenté entre les coacquéreurs.
Les inconvénients et les limites de la tontine
Le principal inconvénient de la tontine réside dans l’impossibilité de provoquer le partage tant qu’un des coacquéreurs n'est pas décédé. Ce mécanisme peut donc devenir problématique en cas de mésentente entre les coacquéreurs ou si l’un d’eux souhaite se désengager du bien.
En cas de divorce ou de séparation, la tontine peut également poser des difficultés pratiques, notamment si l’un des coacquéreurs désire se retirer de l’opération.
Le notaire chargé de la rédaction de l’acte doit donc veiller à informer pleinement les parties des risques liés à la tontine.
Les acquéreurs doivent être conscients que ce mécanisme peut créer des tensions dans la gestion du bien tant que le prédécès n’a pas eu lieu.
Conclusion
La clause de tontine constitue un mécanisme juridique complexe et potentiellement avantageux dans certaines situations, notamment en matière de transmission et de gestion de patrimoine.
Toutefois, il est impératif de bien comprendre les implications de ce pacte avant de l'intégrer dans un contrat de vente.
Les aspects civils et fiscaux doivent être pris en compte de manière minutieuse pour éviter tout litige ultérieur, en particulier en cas de mésentente entre coacquéreurs. Il est donc essentiel de se faire accompagner par un notaire ou un avocat spécialisé avant de se lancer dans une acquisition avec clause de tontine.



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