Marchands de biens : vous avez (souvent) 2 ans… et non 5 pour revendre sans perdre votre exonération de droits de mutation
- Coralie Daven

- 6 nov.
- 3 min de lecture

Lorsqu’un professionnel de l’immobilier achète un bien en vue de le revendre, il peut, dans certaines conditions, bénéficier d’un régime fiscal de faveur. Mais attention, car derrière le délai de 5 ans souvent cité, se cache en réalité un piège temporel que beaucoup de marchands de biens découvrent à leurs dépens.
Le principe : une exonération des droits de mutation au taux plein
L’article 1115 du Code général des impôts prévoit que les acquisitions réalisées en vue de la revente peuvent être exonérées des droits de mutation au taux de droit commun (environ 6,3%), à condition de respecter certains critères :
L’acquisition est faite par un professionnel de l’immobilier (marchand de biens).
Un engagement de revendre dans un délai de 5 ans est formellement pris.
La vente ultérieure porte bien sur le même bien (ou sur des lots issus de sa division).
L’administration fiscale est dûment informée de cet engagement.
Dans ce cas, l’acquisition est soumise uniquement à la taxe de publicité foncière au taux réduit de 0,715 %. Une économie considérable à l’achat.
Mais ce régime de faveur cache une subtilité qui peut coûter très cher…
L’exception méconnue : le délai est ramené à 2 ans dans certains cas
Dès lors que la revente envisagée entraîne un droit de préemption du locataire, le délai accordé pour revendre n’est plus de 5 ans, mais de 2 ans seulement.
Cette situation se présente dans deux hypothèses courantes :
Lorsque le bien est divisé en plusieurs lots pour être revendu à la découpe (article 10 de la loi du 31 décembre 1975) ;
Lorsqu’un congé pour vendre est délivré au locataire (article 15 de la loi du 6 juillet 1989).
Dans ces cas-là, le locataire bénéficie d’un droit de priorité pour acheter.
Pour respecter cette prérogative, le législateur a décidé d’abréger le délai de revente à deux ans, afin de ne pas bloquer indéfiniment le droit du locataire.
En pratique : un piège courant
Dans les faits, de nombreux biens achetés par des marchands de biens sont occupés au moment de la transaction.
Et beaucoup de projets consistent justement à revendre à la découpe après division.
Or, ces deux éléments suffisent à réduire le délai de revente de 5 ans à 2 ans, sans que les professionnels en aient toujours conscience.
Résultat : si la revente n’a pas lieu dans le délai de 2 ans, le fisc considère que les conditions de l’article 1115 ne sont pas remplies.
Et cela se traduit par une reprise des droits de mutation : la différence entre le taux réduit (0,715 %) et le taux de droit commun doit être régularisée, avec intérêts de retard… voire pénalités.
Exemple illustratif
Un marchand de biens achète un immeuble ancien pour 800 000 €, soumis au taux réduit. Il prend l’engagement de revendre dans 5 ans, mais prévoit de diviser le bien en lots et de donner congé aux locataires en place.
Il pense avoir 5 ans devant lui. Mais en réalité, le délai est de 2 ans.
S’il ne revend pas les lots dans ce délai, l’administration peut lui réclamer :
(5,81 % - 0,715 %) x 800 000 € = 40 760 €Sans compter les intérêts et majorations éventuelles (voir davantage selon les droits de mutation à titre onéreux de la commune)
Ce qu’il faut retenir
Oui, le régime marchand de biens peut permettre de réduire significativement les droits de mutation.
Mais non, le délai de 5 ans ne s’applique pas toujours : dès qu’un droit de préemption du locataire est susceptible de s’appliquer, le délai tombe à 2 ans.
Dans un contexte où les reventes peuvent prendre du temps (marché tendu, délais administratifs, financements compliqués), la prudence est de mise.
En conclusion
Avant de signer un compromis en tant que marchand de biens, posez-vous systématiquement cette question : le bien est-il occupé, et vais-je devoir faire jouer un droit de préemption locatif ?
Si oui, vous n’avez pas 5 ans pour revendre, mais 2.
Et si l’échéance vous semble trop courte :mieux vaut peut-être payer les droits de mutation classiques dès le départ, plutôt que de subir une rectification fiscale bien plus douloureuse.

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